vendredi 10 mai 2013

Brève de chidoukh

Il m’explique qu’il a épousé en premières noces une femme qui s’est révélée être folle. Dans tous les renseignements pris, on lui avait caché ses problèmes de santé mentale. Lui n’avait rien vu, elle prenait des médicaments. C’est quand elle les a arrêtés pour avoir un enfant que son insanité s’est manifestée.

Manuel de psychopathologie appliquée

Les raisons d'un échec

« Et toi tu n’avais rien vu pendant le chidoukh ?
- Non rien du tout. D’ailleurs ma mère me dit :
« Mais pourtant tu as vu avec moi Les Feux de l’amour ! Et malgré ça tu n’as rien vu, rien analysé ?
- Hein ? Les Feux de l’amour ? Quel rapport ?
- Et bien dans Les Feux de l’amour tous les cas de figure sont montrés et analysés. C’est pour ça que cette série a tant de succès, elle montre la réalité des couples. Mais je ne l’ai pas regardée assez régulièrement. »

vendredi 3 mai 2013

Shlomo Bsédé (aval lo beseder)

Un mec beth din

Lorsque ma copine Yoheved revient de son voyage à Marseille, elle est sûre qu’elle a trouvé mon Roméovicz.
Elle a demandé là-bas à son ami le Rav X s’il ne connaissait pas un super garçon pour sa super copine. Après m’avoir décrite, le Rav a une brillante idée : Shlomo ! Un garçon très bien, baal Techouvah, un peu rock n’ roll mais équilibré, et dans une démarche sérieuse et construite.

Un mec badatz

Mais Yoheved se méfie : je lui ai raconté tellement de chidouhim foireux, qu’elle veut valider. Le garçon monte à Paris. Elle le reçoit une heure. Puis son rav de mari le décortique une heure et demie.
De mon côté, j’appelle Rav X pour prendre des renseignements. A travers toutes ces enquêtes, le portrait d’un garçon intéressant se dessine, en creux et en relief. Pas juste le « bon garçon » qui ne veut rien dire : une personne, dans sa complexité.

OK c’est parti, on se rencontre. On boit un verre, c’est le garçon parfait pour le moi d’il y a quelques années. Je suis un peu attristée que Yoheved n’ait pas remarqué que j’avais évolué. Un garçon bien, mais revendicatif, provocateur, plein de contradictions. Mais néanmoins sympathique.

Un mec bad ass

Et puis au bout d’une heure, sur le même ton badin que toute notre conversation, il me questionne :
« Je voulais te demander : dans les limites de la Halakha bien sûr, comment tu te situes sexuellement ?
- … !!! …. Hein ?
- Je veux dire, dans les limites de la Halakha, sexuellement, qu'est-ce que tu ferais ou non, comment tu es ? »

Je me suis retenue de lui exposer les pires obscénités pour le choquer, et me suis contentée de faire jouer mon super-pouvoir ashkénaze.
Avec une froideur et un mépris dont le modèle fut déposé au Beth-Din de Worms, j'ai essayé de le gifler avec cette phrase :
« Écoute, je suis très très coincée, une grosse coincée frigide.
- Ah heu... ça ne se pose peut-être pas comme question ? »

mercredi 23 janvier 2013

Michaël, du loseur à l’homme de ma vie. Comédie en 5 actes.

Scène d’exposition

Sarah, Papa, Maman. Une ville de banlieue.

Au moment où j’évoque la problématique de trouver un resto cacher, deux barbus surgissent dans mon champ de vision. Toda laEl ! Je me précipite sur eux et leur demande où manger dans le coin. Je fais ainsi la connaissance de Guy, coiffeur de son état, et de ses deux amis Loubavitch qui sortent de son salon de coiffure. Mes parents nous rejoignent, nous papotons.

Et là, la sempiternelle question infaillible, imparable, increvable, la question en kevlar 49 débarque avec ses gros sabots bien intentionnés : le Guy demande si je cherche à me marier. Je lui offre en réponse un « oui » très mou et caoutchouteux, tandis que ma mère affirme avec beaucoup de conviction et un brin de panique : « Oui oui, bien sûr qu’elle cherche à se marier, vous ne connaissez pas quelqu’un ? ». Guy me demande donc de le rappeler car il connait quelqu’un de « très bien, un très bon garçon ».
En partant, ma mère est enthousiaste et surexcitée. Bien évidemment je compte appeler Guy comme je prévois de me pendre par les pieds Place des Invalides le week-end prochain.

Mes parents veulent me marier

Une invention
probablement juive
Quelques semaines plus tard ma mère m'appelle : « Sarah, tu dois absolument appeler Guy, il veut te présenter quelqu'un. » Comme il se doit, je me braque et suis odieuse avec elle.
Mon père prend le relais et m'explique que ça fait huit ans qu'il n'a pas été chez le coiffeur, et justement comme de par hasard il est allé chez Guy ! Alors c'est vraiment le destin qui veut ça, non ?
Comme il se doit je l’envoie bouler lui aussi et décide de ne jamais appeler Guy de ma vie.
Et comme il se doit, je passe la soirée à culpabiliser d’avoir été si odieuse avec mes parents.

J'appelle Guy

Mais le Guy passe régulièrement sa petite tête de coiffeur entre mes synapses, car une amie a vécu à peu près la même situation. Et elle nage aujourd'hui dans le bonheur avec le garçon catapulté dans sa vie par sa mère.

Alors j'appelle Guy. Ça se passe tout de suite très mal.
D’emblée, il me propose : « Passe à Ivry, on prend un café tous les 3 et puis je vous laisse ensemble. »
Je refuse, je veux quand même quelques renseignements minimum : son nom, son âge, son travail… Il obtempère avec beaucoup de mauvaise volonté. Dès que je pose une question, il se braque, il a l'impression que je l'accuse. Il me retourne toutes mes questions avec agressivité. « Et vous alors, pourquoi vous n’êtes pas encore mariée ? »

Michaël est un gros loseur

Le peu que j'apprends ne me donne aucune envie de rencontrer Michaël Athlan. A 30 ans, il vit encore chez ses parents (no way), travaille chez lui (enfin chez eux) car il monte une boite d'informatique. Niveau religieux, c’est le flou artistique.
Par contre ce dont je peux être sûre, c’est que c’est « un très bon garçon, de bonne famille. »
Après un échange houleux avec le Guy, allez savoir pourquoi, je finis par lui accorder de transmettre mon numéro à Michaël le loser.

Michaël m'appelle

Une ultra-orthodoxe
ashkénaze
Des semaines se passent sans nouvelles. C'est parfait.
Et puis, un jour où je jongle tout particulièrement entre les soucis, les problèmes, les angoisses et les galères, Michaël m’appelle.
Je n’ai pas, mais pas du tout la tête à ça, et je lui demande de rappeler le soir. Il s’exécute, et ça ne passe pas entre nous.
Déjà, il a une petite voix de fausset limite homo. Pour moi qui aime les hommes du genre préhistorique, c’est rédhibitoire.
Et puis il me confirme toutes les informations du Guy.
Je fais tout pour le décourager, je me montre sévère, froide, rigide… je laisse émerger ma nature ashkénaze quoi. Comme un couperet, je laisse tomber que je suis une « ultra-orthodoxe ». Il rigole et dit que lui aussi, il l’a été. Ben voyons.
Je prends congé en prétextant un rendez-vous. Il me dit qu'il me rappelle le lendemain (vendredi).
Il ne le fait pas, c'est très bien comme ça.

Shabbat Out, Salsa In

Le lendemain, Shabbat après-midi, je croise un ami. Il me propose de venir Motsae Shabbat au concert de Salsa que donne un ami commun.
Après un Shabbat éprouvant passé loin de chez moi, je me sens sale, moche, pas maquillée, transpirante, les cheveux gras et une haleine de tamanoir. J’ai la flémingite d’y aller mais j'ai besoin de décompresser.

Les amis de mes amis sont mes amis

Une fois le concert terminé, je bois un verre avec l’ami qui m’a proposé de venir, l’artiste et un ami à lui, qui a lui-même amené un ami, que personne ne connaît. On discute tous, c'est très sympa. Les 2 inconnus se révèlent être deux Juifs assez érudits.
Celui que personne ne connait (très beau garçon, look jean baskets) nous dit que c'était un shabbat spécial, Shabbat Berechit, qui va donner sa tonalité à toute l'année. Je m’alarme : « Ohlala et ben moi je ne suis pas dans la mouise, j'ai passé un shabbat épouvantable », et je lui explique pourquoi.

Vous avez dit Min Hachamaïm ?

On parle, et il me donne des conseils très avisés. Il se révèle être un beau et charmant jeune homme étonnant, pourvu d’une grande maturité et empreint de sagesse. En me transperçant de ses yeux magnifiques, il me suggère :
« Sinon tu peux toujours dire au type qui te poursuit que, Min HaChamaïm, tu as rencontré quelqu'un, tu es très bien avec lui et tu veux qu'il te laisse tranquille.
- Amen !
- Pourquoi pas ? (sourire troublant, eye contact prolongé).
- Oui, pourquoi pas.
- Tu as quel âge ? »
Là si je ne m'abuse, il me dragouille un peu, non ?
Je lui donne mon âge et mon prénom. Il sourit. Je lui demande le sien. Il me le donne et enchaine :
« C'est marrant, j'ai parlé avant-hier au téléphone avec une Sarah. Elle avait le même âge que toi.
- Et moi avec un Michaël… »
On réalise ce que ça signifie. On se regarde éberlués.
« Non ?
- Si ?!!!! C'est quoi ton nom de famille ?
- Athlan. Michäel Athlan. »

Là on hallucine, mais on hallucine de toutes nos forces, on n’en peut plus d'halluciner.
On raconte l’histoire à nos amis : hallucination collective.
Il me raconte sa vie, c'est pas du tout un petit con de 30 ans qui vit encore chez ses parents. Il a été marié 10 ans, il a 3 enfants en Israël, il a vécu dans un Yishouv, à cette époque il portait peoth et sirtouk...
On passe la soirée tous ensemble, et Michaël me bluffe de bar en bar avec des divrei Torah incroyables. On s’entend vraiment très bien et j’ai déjà complètement craqué sur lui.

Ne pas craquer sur Michaël, ne pas craquer sur Michaël… oups

Voilà, si Michaël n'était pas réfractaire à l'idée de refaire sa vie avec quelqu'un, s’il n’était pas péniblement en train de se remettre de son divorce encore tout frais, s’il n’était pas en vertigineuse chute libre spirituelle, s’il n’était pas en recherche de toutes les expériences possibles et imaginables, dont des aventures avec de jeunes shikses, je me dirais :
« Voilà, c’était simple en fait, c’est lui mon Mazal. »
Mais on a conclu tous les deux, après des heures de conversation téléphonique, que ce n’était pas certainement pas pour ça qu’on s’était rencontrés. (Heu… tu es vraiment sûr sûr hein ?)

Gam zou léTova

Les 2 leçons que j’en ai tiré :
 - Ne pas préjuger de qui on a en face de soi (surtout au téléphone)
- Brider son imagination et rencontrer les gens en vrai

[Epilogue : après quelques sorties avec Michaël, voyant que je craquais de plus en plus tandis qu’il était en perte vertigineuse de froumkeit, j’ai cessé de le voir.]